samedi 16 juillet 2011

Divagation plus que pélerinage : Montmartre.

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08.06.2009

Montmartre d’il y a soixante ans, Montmartre d’aujourdhui…

Je suis partagé entre deux envies pour démarrer ce lundi sur mon blog.

Eh oui ! L’alternative se pose ainsi : soit je reviens sur le débarquement allié du 6 juin 44 en Normandie, à la faveur d’un article du JDD sur les fusiliers-marins et le commandoo Kieffer débarqué à Ouistreham (Sword Beach) dès le matin, bourgade de pêcheurs et d’agriculteurs,et zone balnéaire de Riva-Bella, libérées rapidement mais au prix fort du sang (revoir mon blog il y a un mois ou cinq semaines) ; soit je relate mon « pèlerinage » montmartrois de mardi dernier.

Pourquoi un pèlerinage ? Parce que… l’enfant que j’ai été entre 5 et 15 ans a vécu à Montmartre (sauf 1949-50 en Allemagne occupée, voir mon post d’hier « Senteurs d’un jardin secret »). Ma mère a su, après s’être lourdement endettée, faire bouillir la marmite en se tuant au travail… jusqu’à ce que mon père ait enfin un emploi stable et correctement rémunéré en… 1951 ! Elle l’a fait en tenant un magasin de lingerie féminine (et frivolités), Sélection, au 11 de la rue Tholozé, sous le Moulin de la Galette. Elle tricotait en outre des liseuses, remaillait les bas, ouvrait le dimanche matin. Nous habitions au 20 de la rue de Clignancourt, non loin de Rochechouart, du Sacré-Cœur et du Boulevard Barbès.

Le séminaire auquel j’ai participé il y a une semaine commençait mardi en fin d’après-midi. Ma belle-fille (Sénégalaise), le fils de mon épouse et nos deux petites filles parisiennes « café au lait » (il y en a quatre autres près de Toulouse) habitent… Montmartre, versant nord-ouest. Je suis « monté » à Paris dès lundi pour passer la soirée avec elles et lui (voir mon récent post de remerciements à une contrôleuse SNCF) ; mardi matin j’avais le temps de flâner, de revoir mon ancien quartier, ce presque village, de parcourir les trajets que ma mère fit des milliers de fois et que je fis souvent avec elle. Bref, cela a vite pris la tournure d’une sorte de pèlerinage, en effet.

Je n’avais pas mon appareil photo ; j’ai donc mobilisé mon téléphone cellulaire pour rapporter quelques photos de qualité moyenne.
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Montant de la Place Blanche, aux frontières du IXème et du XVIIIème, la rue Lepic coupe la rue des Abbesses et entame ici son périple courbe vers le haut de la colline, le Moulin de la Galette et la Place du Tertre. Il y a soixante ans, j’admirais les rideaux de Vichy rouge de ce restaurant… qui représentait pour moi la liberté, les gens qui ont le temps et le fric pour aller au restaurant, mais aussi le confort et la chaleur d’un cadre plutôt rural.
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En haut, au-dessus des escaliers qui ferment la rue Tholozé, dans les arbres : le Moulin de la Galette.

Rue Tholozé qui, tout près, coupe la rue Lepic et la rue des Abbesses et monte droit sur le Moulin de la Galette n’a guère changé. Le mythique Studio 28 d’abord, connu des cinéphiles parisiens :
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Ici, il y avait le cordonnier Descamps, parti en retraite en 1952 ou 1953.
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En face, le magasin était de couleur crème, c’était Sélection, au 11 de la rue. WC (à la turque) à l’entresol de l’immeuble. Pente assez forte : lorsque le livreur de glace posait ses pains sur le trottoir, sur des sacs de jute anti-dérapants… euh… parfois la glace dévalait la rue ! (je le jure, croix de bois, croix de fer, si je mens... on n'y était pour rien !!!...)
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J’allais régulièrement juste au-dessus, rue Durantin, admirer cet hôtel particulier, aujourd’hui résidence en co-propriété et dont le porche est barré par une grille dont l’ouverture est commandée par un digicode :
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La rue, vue des escaliers qui la terminent (tout en bas, on enchaîne sur le bas de la rue Lepic, vers Blanche), qu’adoraient passer en jeep les GIs (l’occupation américaine pour beaucoup… « US go home ! »), juste à côté du Cabaret de Madame Pomme, l'anti-chambre de Patachou pour bien des artistes débutants (aujourd’hui Bar à vin du Moulin).
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La pente, et le fait que la rue se termine par ces escaliers, vous laisse deviner les efforts que faisaient avec leurs carrioles le vitrier (vi-tri-ééé !), le rémouleur (j’aiguise les couteaux-eaux, les ciseaux-eaux) et le marchand de peaux de lapin (peaux d’lapin – peaux !) dont les seules échappatoires étaient la rue Durantin et la rue des Abbesses…
Enfin, un peu plus haut, rue Lepic, le second moulin, en fait la reproduction du Moulin de la Galette, un peu plus visible des passants.
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A suivre…

09.06.2009

Montmartre (suite 1 de ma divagation)

Dès que l’on s’éloigne de quelques mètres des parcours à touristes, par exemple ici en passant par l’Avenue Junot* et la rue Norvins pour revenir sur Le Tertre, on retrouve non seulement le village, mais la commune des artistes et de la bohème, des jardins, des ateliers, des petits hôtels particuliers.
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Je monte vers la Place du Tertre avec en tête tout à la fois mes souvenirs de l’époque (rappel : 1945 – 1955) et une photo de Doisneau.
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Hélas, je vais vite déchanter… Vous aurez plus loin une ou deux images de la place, prises presque à contre cœur. D’abord, prévisible me direz-vous, la foule des touristes. Mais, surtout, chose inconnue pour l’ancien Montmartrois que j’ai été (eh ! 10 ans sur près de 70 ça fait du 14 % tout de même…), la place est devenue un immense restaurant , un velum à dominante rouge, les terrasses étant couvertes. Et, autour, des « peintres » : portraitistes, vendeurs de croûtes diverses et de reproductions répétitives, y compris d’ailleurs que de la Place Saint-Pierre voisine, de celle du Tertre ou de celle du Calvaire… dont beaucoup ont des accents à couper non à l’Opinel® ou au Laguiole® pais à l’acier d’Essen ou de Wüpperthal, de plus à l’est, de plus au nord…
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Bref, nous voici en haut de la rue Lepic. Déjà se profile l’antre à touristes. La rue Poulbot ? parce que, étant gosse, il m’est arrivé d’échapper, entraîné par le fils du cordonnier Descamps (les pains de glace dévalant la rue Tholozé, le chariot en bois à roues patin à roulettes, en fait l’ancêtre du skate-board « assis » et à direction assistée !!!), à la vigilance de ma mère et de cavaler avec les titis du coin, les poulbots.
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Nous sommes maintenant à côté de la Place Saint-Pierre et de la Place du Tertre. Vue sur Paris, et… le village, oui : la paix. Place du Calvaire et dans les rues qui redescendent : personne. A dix mètres c’est la bousculade, et là… ouf ! les lieux que j’avais en mémoire. C’est plus propre qu’à l’époque. Mais le cachet a été conservé. Commune libre de Montmartre !
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A dix mètres ? Eh bien, constatez par vous-même.


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Saint Pierre, mon ancienne paroisse, vieille église romane, teintée de gothique naissant (ogives de voutes), est hélas écrasée par les coupoles byzantines (du XIXème siècle) de la basilique du Sacré-Cœur.

Nous allons nous en approcher mais, je n’aurai pas la chance de la revoir comme jadis en en faisant le tour. Mon téléphone étant sans flash, les images de l’intérieur restent bien sombres, vous m’en voyez fort marri (euh… pas tant que ça).
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Encore vue sur Paris, je vais prendre le funiculaire, pour moi tout moderne (jadis, le jeu consistait à monter et à descendre les escaliers à toute vitesse et retrouver à une des deux stations les passagers entraperçus à l’autre… prenant le « vieux » funiculaire) Je vais descendre vers la rue de Clignancourt, avant de revenir sous la butte vers la Place des Abbesses et la rue Joseph de Maistre (quittée avec la première photo hier, celle du restaurant au coin de cette rue et de la rue Lepic).
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* Souvenirs du Square Junot... Le pensionnaire que j'ai été pendant tant d'années avait évidemment des vacances. Les petites vacances se passaient pour moi au magasin, à Sélection. Ma  mère, s'il faisait beau, m'emmenait "pique-niquer" au square. Parfois en passant par le chemin des écoliers, en haut de cette colline de Montmartre, il y a un labyrinthe de petites rues et chemins propices à de la marche "rurale"...
Pain et jambon généralement, radis au sel, et... mon grand plaisir : gober un oeuf (pour ma mère : oeuf dur). Les oeufs venaient de la crèmerie Tochet (de mémoire, hein ?), le "b.o.f." de la Rue des Abbesses (aujourd'hui "Fromages Marie" si j'ai bien reconnu l'emplacement).
Au tout début de notre arrivée à Montmartre, je me souviens de la queue que ma mère devait faire à certains magasins, pliant, laine et aiguilles à tricoter, et des cartes d'alimentation ou de rationnement (là : je manque de précision... mais j'avais cinq ans).

Petite note pour Morgane.
Ma mère, qui se tuait à la tâche, en plus des liseuses qu'elle tricotait et vendait, remaillait les bas. Elle avait le panonceau "Vitos". Le trop plein de bas à remailler était confié à... Vitos, bien sûr. Lorsque j'étais en vacances, j'étais le coursier. Je descendais donc dans le IXème, chère Morgane. Si ma mémoire ne déconne pas trop, j'allais Rue de Maubeuge (ou peut-être rue de Chateaudun), près de N-D. de Lorette. J'y "descendais" en courant (tout en fouillant dans le sac afin d'éprouver le soyeux de ces bas "nylon" et d'essayer d'imaginer ces bas sur des jambes et des cuisses  interdites), déposais les bas chez Vitos, remontais vite Place Blanche, et... là, là ? là je prenais le temps de regarder, sur la pointe des pieds, toutes ces photos de danseuses, strip-teaseuses, d'artistes en partie dénudées se produisant dans les cabarets aux coins du Boulevard de Clichy et de la rue Lepic et de la rue Blanche. Qu'est-ce que ça m'intiguait, qu'est-ce ça parvenait à... m'exciter, toutes ces formes, cette peau, ces attitudes... Formes que je retrouvais sur les porte-publicité au magasin de ma mère : les soutiens-gorges, gaines, culottes, combinaisons Jesos, Jetien, Lou, Valisère et autres... (je les lorgnais en douce, craignant d'être surpris par le regard de ma mère). Il m'est arrivé d'en faucher, discrètement, dans les tas périmés de l'arrière-boutique, pour... les monnayer au collège religieux où j'ai effectué mes 6ème (redoublée), 5ème, 4 ème et certif, enfin 3ème.
Morgane, j'allais aussi à pieds à la gare St Lazare quand je partais passer deux ou trois jours chez un grand oncle au Vésinet. J'adorais, avec l'autorisation de ma mère (of course !) descendre jusqu'à l'Opéra. Là je faisais les agences des compagnies aériennes. A cette époque on te donnait plein de choses promotionnelles : insignes des compagnies, maquettes d'avions, petits drapeaux... Et je rêvais devant les brochures et affiches montrant le monde entier. Le IXème était ma voie de passage obligatoire...