samedi 17 septembre 2011

Évocation, "Ballade" photographique au cours d'une "balade" nostalgique à Montmartre.

17.09.2011

Cora Vaucaire

J'ai habité Montmartre de 1945 à 1955 avant de devenir "provincial", et même -par choix personnel- plutôt rural.

Mais j'ai souvent ressenti des petits pincements de nostalgie lorsque les mots "butte" [*], "Montmartre", "Lepic", "Place du tertre", "moulin de la Galette" (sous lequel, rue Tholozé, ma mère avait son magasin).

Cora Vaucaire a été l'une des porteuses de mes nostalgies, l'une des voix dont j'ai aimé, de temps à autre, entendre l'évocation des... escaliers de la Butte.

Elle repose en paix... Cora.


[*] J'ai eu le plaisir, c'est un hasard, d'avoir, vers la fin des années 90, à rectifier le calendrier, le programme, de protection phytosanitaire, du vignoble de la commune libre de Montmartre, dans le sens tout à la fois d'une plus grande efficacité et de la diminution de la quantité de produits (les pesticides !...) utilisés.

 

 

08.06.2009

Montmartre d’il y a soixante ans, Montmartre d’aujourdhui…

Je suis partagé entre deux envies pour démarrer ce lundi sur mon blog.

Eh oui ! L’alternative se pose ainsi : soit je reviens sur le débarquement allié du 6 juin 44 en Normandie, à la faveur d’un article du JDD sur les fusiliers-marins et le commandoo Kieffer débarqué à Ouistreham (Sword Beach) dès le matin, bourgade de pêcheurs et d’agriculteurs,et zone balnéaire de Riva-Bella, libérées rapidement mais au prix fort du sang (revoir mon blog il y a un mois ou cinq semaines) ; soit je relate mon « pèlerinage » montmartrois de mardi dernier.

Pourquoi un pèlerinage ? Parce que… l’enfant que j’ai été entre 5 et 15 ans a vécu à Montmartre (sauf 1949-50 en Allemagne occupée, voir mon post d’hier « Senteurs d’un jardin secret »). Ma mère a su, après s’être lourdement endettée, faire bouillir la marmite en se tuant au travail… jusqu’à ce que mon père ait enfin un emploi stable et correctement rémunéré en… 1951 ! Elle l’a fait en tenant un magasin de lingerie féminine (et frivolités), Sélection, au 11 de la rue Tholozé, sous le Moulin de la Galette. Elle tricotait en outre des liseuses, remaillait les bas, ouvrait le dimanche matin. Nous habitions au 20 de la rue de Clignancourt, non loin de Rochechouart, du Sacré-Cœur et du Boulevard Barbès.

Le séminaire auquel j’ai participé il y a une semaine commençait mardi en fin d’après-midi. Ma belle-fille (Sénégalaise), le fils de mon épouse et nos deux petites filles parisiennes « café au lait » (il y en a quatre autres près de Toulouse) habitent… Montmartre, versant nord-ouest. Je suis « monté » à Paris dès lundi pour passer la soirée avec elles et lui (voir mon récent post de remerciements à une contrôleuse SNCF) ; mardi matin j’avais le temps de flâner, de revoir mon ancien quartier, ce presque village, de parcourir les trajets que ma mère fit des milliers de fois et que je fis souvent avec elle. Bref, cela a vite pris la tournure d’une sorte de pèlerinage, en effet.

Je n’avais pas mon appareil photo ; j’ai donc mobilisé mon téléphone cellulaire pour rapporter quelques photos de qualité moyenne.
P02-06-09_10.20.jpg
Montant de la Place Blanche, aux frontières du IXème et du XVIIIème, la rue Lepic coupe la rue des Abbesses et entame ici son périple courbe vers le haut de la colline, le Moulin de la Galette et la Place du Tertre. Il y a soixante ans, j’admirais les rideaux de Vichy rouge de ce restaurant… qui représentait pour moi la liberté, les gens qui ont le temps et le fric pour aller au restaurant, mais aussi le confort et la chaleur d’un cadre plutôt rural.
P02-06-09_10.21.jpg
En haut, au-dessus des escaliers qui ferment la rue Tholozé, dans les arbres : le Moulin de la Galette.

Rue Tholozé qui, tout près, coupe la rue Lepic et la rue des Abbesses et monte droit sur le Moulin de la Galette n’a guère changé. Le mythique Studio 28 d’abord, connu des cinéphiles parisiens :
P02-06-09_10.22.jpg
Ici, il y avait le cordonnier Descamps, parti en retraite en 1952 ou 1953.
P02-06-09_10.22[1].jpg
En face, le magasin était de couleur crème, c’était Sélection, au 11 de la rue. WC (à la turque) à l’entresol de l’immeuble. Pente assez forte : lorsque le livreur de glace posait ses pains sur le trottoir, sur des sacs de jute anti-dérapants… euh… parfois la glace dévalait la rue ! (je le jure, croix de bois, croix de fer, si je mens... on n'y était pour rien !!!...)
P02-06-09_10.23.jpg
J’allais régulièrement juste au-dessus, rue Durantin, admirer cet hôtel particulier, aujourd’hui résidence en co-propriété et dont le porche est barré par une grille dont l’ouverture est commandée par un digicode :
P02-06-09_10.24.jpg
La rue, vue des escaliers qui la terminent (tout en bas, on enchaîne sur le bas de la rue Lepic, vers Blanche), qu’adoraient passer en jeep les GIs (l’occupation américaine pour beaucoup… « US go home ! »), juste à côté du Cabaret de Madame Pomme, l'anti-chambre de Patachou pour bien des artistes débutants (aujourd’hui Bar à vin du Moulin).
P02-06-09_10.28.jpg
P02-06-09_10.29.jpg
La pente, et le fait que la rue se termine par ces escaliers, vous laisse deviner les efforts que faisaient avec leurs carrioles le vitrier (vi-tri-ééé !), le rémouleur (j’aiguise les couteaux-eaux, les ciseaux-eaux) et le marchand de peaux de lapin (peaux d’lapin – peaux !) dont les seules échappatoires étaient la rue Durantin et la rue des Abbesses…
Enfin, un peu plus haut, rue Lepic, le second moulin, en fait la reproduction du Moulin de la Galette, un peu plus visible des passants.

09.06.2009

Montmartre (suite 1 de ma divagation)

Dès que l’on s’éloigne de quelques mètres des parcours à touristes, par exemple ici en passant par l’Avenue Junot* et la rue Norvins pour revenir sur Le Tertre, on retrouve non seulement le village, mais la commune des artistes et de la bohème, des jardins, des ateliers, des petits hôtels particuliers.
P02-06-09_10.36.jpg
Je monte vers la Place du Tertre avec en tête tout à la fois mes souvenirs de l’époque (rappel : 1945 – 1955) et une photo de Doisneau.
P02-06-09_10.37[1].jpg
Hélas, je vais vite déchanter… Vous aurez plus loin une ou deux images de la place, prises presque à contre cœur. D’abord, prévisible me direz-vous, la foule des touristes. Mais, surtout, chose inconnue pour l’ancien Montmartrois que j’ai été (eh ! 10 ans sur près de 70 ça fait du 14 % tout de même…), la place est devenue un immense restaurant , un velum à dominante rouge, les terrasses étant couvertes. Et, autour, des « peintres » : portraitistes, vendeurs de croûtes diverses et de reproductions répétitives, y compris d’ailleurs que de la Place Saint-Pierre voisine, de celle du Tertre ou de celle du Calvaire… dont beaucoup ont des accents à couper non à l’Opinel® ou au Laguiole® pais à l’acier d’Essen ou de Wüpperthal, de plus à l’est, de plus au nord…
P02-06-09_10.38.jpg
Bref, nous voici en haut de la rue Lepic. Déjà se profile l’antre à touristes. La rue Poulbot ? parce que, étant gosse, il m’est arrivé d’échapper, entraîné par le fils du cordonnier Descamps (les pains de glace dévalant la rue Tholozé, le chariot en bois à roues patin à roulettes, en fait l’ancêtre du skate-board « assis » et à direction assistée !!!), à la vigilance de ma mère et de cavaler avec les titis du coin, les poulbots.
P02-06-09_10.43.jpg

P02-06-09_10.44.jpg
Nous sommes maintenant à côté de la Place Saint-Pierre et de la Place du Tertre. Vue sur Paris, et… le village, oui : la paix. Place du Calvaire et dans les rues qui redescendent : personne. A dix mètres c’est la bousculade, et là… ouf ! les lieux que j’avais en mémoire. C’est plus propre qu’à l’époque. Mais le cachet a été conservé. Commune libre de Montmartre !
P02-06-09_10.41.jpg
P02-06-09_10.42.jpg
A dix mètres ? Eh bien, constatez par vous-même.


P02-06-09_10.44[1].jpg
P02-06-09_10.45.jpg
P02-06-09_10.46.jpg
P02-06-09_10.46[1].jpg
Saint Pierre, mon ancienne paroisse, vieille église romane, teintée de gothique naissant (ogives de voutes), est hélas écrasée par les coupoles byzantines (du XIXème siècle) de la basilique du Sacré-Cœur.

Nous allons nous en approcher mais, je n’aurai pas la chance de la revoir comme jadis en en faisant le tour. Mon téléphone étant sans flash, les images de l’intérieur restent bien sombres, vous m’en voyez fort marri (euh… pas tant que ça).
P02-06-09_10.48.jpg
Encore vue sur Paris, je vais prendre le funiculaire, pour moi tout moderne (jadis, le jeu consistait à monter et à descendre les escaliers à toute vitesse et retrouver à une des deux stations les passagers entraperçus à l’autre… prenant le « vieux » funiculaire) Je vais descendre vers la rue de Clignancourt, avant de revenir sous la butte vers la Place des Abbesses et la rue Joseph de Maistre (quittée avec la première photo hier, celle du restaurant au coin de cette rue et de la rue Lepic).
P02-06-09_10.51.jpg
* Souvenirs du Square Junot... Le pensionnaire que j'ai été pendant tant d'années avait évidemment des vacances. Les petites vacances se passaient pour moi au magasin, à Sélection. Ma  mère, s'il faisait beau, m'emmenait "pique-niquer" au square. Parfois en passant par le chemin des écoliers, en haut de cette colline de Montmartre, il y a un labyrinthe de petites rues et chemins propices à de la marche "rurale"...
Pain et jambon généralement, radis au sel, et... mon grand plaisir : gober un oeuf (pour mamère : oeuf dur). Les oeufs venaient de la crèmerie Tochet (de mémoire, hein ?), le "b.o.f." de la Rue des Abbesses (aujourd'hui "Fromages Marie" si j'ai bien reconnu l'emplacement).
Au tout début de notre arrivée à Montmartre, je me souviens de la queue que ma mère devait faire à certains magasins, pliant, laine et aiguilles à tricoter, et des cartes d'alimentation ou de rationnement (là : je manque de précision... mais j'avais cinq ans).

Petite note pour Morgane.
Ma mère, qui se tuait à la tâche, en plus des liseuses qu'elle tricotait et vendait, remaillait les bas. Elle avait le panonceau "Vitos". Le trop plein de bas à remailler était confié à... Vitos, bien sûr. Lorsque j'étais en vacances, j'étais le coursier. Je descendais donc dans le IXème, chère Morgane. Si ma mémoire ne déconne pas trop, j'allais Rue de Maubeuge (ou peut-être rue de Chateaudun), près de N-D. de Lorette. J'y "descendais" en courant (tout en fouillant dans le sac afin d'éprouver le soyeux de ces bas "nylon" et d'essayer d'imaginer ces bas sur des jambes et des cuisses  interdites), déposais les bas chez Vitos, remontait vite Place Blanche, et... là, là ? là je prenais le temps de regarder, sur la pointe des pieds, toutes ces photos de danseuses, strip-teaseuses, d'artistes en partie dénudées se produisant dans les cabarets aux coins du Boulevard de Clichy et de la rue Lepic et de la rue Blanche. Qu'est-ce que ça m'intiguait, qu'est-ce ça parvenait à... m'eciter, toutes ces formes, cette peau, ces attitudes... Formes que je retrouvais sur les porte-publicité au magasin de ma mère : les soutiens-gorges, gaines, culottes, combinaisons Jesos, Jetien, Lou, Valisère et autres... (je les lorgnais en douce, craignant d'être surpris par le regard de ma mère). Il m'est arrivé d'en faucher, discrètement, dans les tas périmés de l'arrière-boutique, pour... les monnayer au collège religieux où j'ai effectué mes 6ème (redoublée), 5ème, 4 ème et certif, enfin 3ème.
Morgane, j'allais aussi à pieds à la gare St Lazare quand je partais passer deux ou trois jours chez un grand oncle au Vésinet. J'adorais, avec l'autorisation de ma mère (of course !) descendre jusqu'à l'Opéra. Là je faisais les agences des compagnies aériennes. A cette époque on te donnait plein de choses promotionnelles : insignes des compagnies, maquettes d'avions, petits drapeaux... Et je rêvais devant les brochures et affiches montrant le monde entier. Le IXème était ma voie de passage obligatoire...

17.06.2009

Montmartre (suite 2, et fin, de ma pérégrination – pèlerinage)


Nous en étions restés au funiculaire de Montmartre, s’il vous en souvient… De là, je vais aller vers la rue de Clignancourt en passant par le Marché St Pierre. Qui existe toujours mais pour des expositions. Question : à l’époque (1945 – 1955) il y avait un immeuble (immense dans ma mémoire) des tissus Dreyfus ? Qu’y aura-t-il aujourd’hui à la place ? Eh bien… Dreyfus est toujours là. Mais cela me semble aujourd’hui moins imposant. Il y avait un immeuble couvert d'un grand panneau Saint Frères (bâches)...

Nous sommes enfin rue de Clignancourt. Les Américains occupaient les Grands magasins Dufayel. Cela ne vous dit pas grand-chose… ce qui n’est pas surprenant. Dufayel, c’était l’architecture métallique du XIXème siècle, le premier des « Grands magasins » (souvenez-vous de Au Bonheur des Dames). Le modèle. Occupant de la rue de Clignancourt au Boulevard Barbès. De la fenêtre de notre minuscule cuisine – salle d’eau (plus exactement pierre à évier utilisée pour la toilette) comme de celle de la chambre de mes parents, nous donnions sur Dufayel… et les Gis.

Puis, ce furent des mois et des mois de chalumeau et chantiers de démolition de ces magnifiques voûtes et structures (style Petit et Grand Palais).

Ici, rue de Sofia, entre la rue de Clignancourt et le Boulevard Barbès, voici ce qui reste de Dufayel, restauré ou reconstruit (c’était, en 1955, la BNCI qui était le principal occupant)
P02-06-09_11.12.jpg
Au 20 de la rue de Clignancourt, il y avait un grand porche, monumental, donnant sur une cour fleurie (de fuschias surtout), entretenue par Mme et M Tognetaz, le couple concierge et gardien, des Italiens du Val d’Aoste, plus savoyards qu’Italiens, adorables et serviables tous deux. On enchaînait en fait deux cours car la propriété comportait trois immeubles. Impossible d'entrer aujourd'hui : digicode ! Vers 1954, le porche fut coupé en long pour installer un commerce de pas de porte. Cela n’a pas changé comme la photo le montre.
P02-06-09_11.14.jpg
En face, il y avait plusieurs boutiques dont la crèmerie Combe (beurre-œufs-fromages) et une boulangerie. Voici ce qu’il y a à a place :
P02-06-09_11.15.jpg
Au 24 ou au 26, on retrouve l'ancienne entrée monumentale, évidemment remaniée entre 1945 et 1950, des grands magasins Dufayel :
P02-06-09_11.17.jpg
Retour vers le Marché St pierre et le bas du Sacré-Cœur par la rue André-Del-Sarte…
P02-06-09_11.38.jpg
… et la rue Charles Nodier, au pied des escaliers (les escaliers de la butte sont durs aux miséreux, les ailes des moulins…).
P02-06-09_11.39[1].jpg
Je vais vers la Place des Abbesses par la rue Yvonne Le tac. Au passage, je vérifie l’existence d’un sanctuaire dédié au martyre de Saint Denis (une petite porte, une plaque pour une crypte, alors que dans ma mémoire j’y voyais l’entrée d’une chapelle ou d’une petite église…). Place des Abbesses, et l’église Saint Jean (St Jean des Abbesses ou St Jean de Montmartre).
P02-06-09_11.59.jpg
Ma mère ouvrant sa boutique le dimanche matin, bien souvent nous sommes allés assister à la messe du dimanche non dans notre église paroissiale Saint Pierre de Montmartre (voir posts antérieurs), mais ici, à St Jean.
P02-06-09_12.00.jpgJe vais reprendre la rue des Abbesse ; suivez les gambettes…
… puis la rue Joseph de Maistre.


J’aurai fait le tour de ce qui fut mon quartier durant dix années d’après guerre, la face sud-ouest de la colline de Montmartre. Montmartre, un village jouxtant Paris par les boulevards, un village pittoresque dont il reste visiblement des endroits préservés de la grande foule et de la surchauffe immobilière. C'était mardi 2 juin, par une belle matinée ensoleillée.
P02-06-09_12.01.jpg
_
Petit rappel : photos prises avec un téléphone cellulaire d’où une qualité… moyenne.


10.11.2010

En beurrant une tartine, petite méditation matutinale.

Ce matin, alors que je beurrais, avec parcimonie, ma tartine de pain préalablement passée au grille-pain, je réalisais à quel point de vieilles, très vieilles habitudes persistaient. Cela malgré dix années de pensions et colonies de vacances, le service militaire et quelques séjours ou stages de formation avec restauration collective de ma jeunesse et de ma vie active…

Lorsque mes parents se sont installés à Montmartre, en 1945, nous avions encore des tickets de rationnement et j’ai le souvenir de ma mère tricotant, avec son pliant, dans d’interminables attentes en files devant certains magasins…

Nous habitions rue de Clignancourt. En face du porche (aujourd’hui avec un commerce en pas de porte, pas de porte qui existait déjà lorsque nous avons quitté Paris en 1955) se trouvait la crémerie Combe (ou Combes). A ne pas confondre avec Tochet (autre « beurre-œufs-fromages), celle située rue des Abbesses, à deux minutes du magasin de ma mère rue Tholozé, où je passais régulièrement picorer du rapé (du grouyère comme je disais) jusqu’au jour où Madame Tochet prévint ma mère…

Pourquoi vous avoir parlé de restrictions et de la crémerie en face de chez nous ? Pour vous expliquer pourquoi je suis au beurre salé le matin, et pourquoi je beurre toujours à l’économie.

En effet, dans l’immédiat après-guerre, le beurre était pour nous un luxe. Il se vendait découpé à la motte. Ma mère n’en achetait que pour la pâtisserie, rarement pour la cuisine, pour laquelle elle utilisait la margarine. Laquelle margarine servait à « beurrer » le pain du petit déjeuner ou de mon goûter lorsque j’étais « à la maison ». Matière grasse végétale certes, mais… probablement riche en acides gras saturés, palmitates entre autres ; choses dont à l’époque nous ne nous préoccupions pas.

En 1950, je me souviens avoir pris l’habitude, chez mes oncle et tante du Cantal, de manger d’énormes tartines de pain de campagne sur lesquelles ma tante ou Caroline (surnom), l’aînée de mes cousins-cousines présents (il y avait deux garçons au-dessus, élèves l’un de Saint-Cyr, l’autre du Prytanée militaire) avait étalé du saindoux relevé avec un peu de sel, au retour de conduire les bœufs pour un débardage de bois, ou de travaux au potager, ou lorsque je remontais du village, dominant la Cère et le regard vers « le midi » qui commençait au-delà. Du saindoux, oui ; et j’aimais ça !...

Lorsque nous avons commencé à avoir plus régulièrement du beurre à la maison grâce au travail acharné de ma mère (qui ouvrait encore son magasin le dimanche matin dès après la messe à Saint-Pierre de Montmartre -notre paroisse- ou à Saint-Jean des Abbesses), ma mère achetait du beurre salé. Elle le plaquait bien au fond d’une jatte et elle le recouvrait d’eau, avant de déposer la jatte dans le garde-manger grillagé qui pendait sur le côté de la fenêtre de la chambre de mes parents (je couchais dans la salle à manger), exposé au nord. Je revois cette fenêtre et les GIs, les soldats américains, qui occupaient les bâtiments Dufayel, magnifiques structures métalliques et de verre des ex Grands magasins Dufayel, et qui sifflaient ma mère et se distrayaient en guettant toutes les fenêtres est de notre petit immeuble. J’ai ensuite, de cette fenêtre, assisté à la démolition de ces bâtiments (je crois qu’il en reste un morceau, classé, conservé un peu plus loin derrière une façade moderne.

Et la poussière, la crasse de l’air parisien ambiant ? Oui : il suffisait de changer l’eau… Salé, sous l’eau, ce beurre se conservait bien. Et j’ai d’abord aimé le beurre de mes tartines : le beurre salé, aujourd’hui beurre demi-sel, du bio au sel marin (Guérande ou autre marais salant réputé).

Ayant pris l’habitude d’y aller à l’économie, je l’ai conservée. C’est pourquoi je beurre « avec parcimonie ».
Pour la petite histoire, nous avons eu notre premier réfrigérateur, non pas un Frigidaire® mais un Kelvinator®, en partie chromé, acheté à tempérament vers 1953 ou 54…


Histoires de vieux, peut-être. Il est vrai que j’ai ma carte senior depuis onze ans (à deux mois près) et suis retraité depuis bientôt dix ans !...





Je suis incapable de me souvenir de quoi je déjeunais en Algérie et au Sahara, pour accompagner le quart de café… Sauf durant le mois durant lequel j’ai pu prendre pension au mess des sous-officiers en tant que caporal-chef ADL(**) ou super-ADL(**), avant de me faire rétrograder caporal à titre disciplinaire (j’ai eu besoin récemment d’un Etat signalétique et des services en vue d’un ruban, et j’ai lu cette fois-ci non plus « rétrogradé » mais « cassé » en application du règlement de discipline aux armées… rassurez-vous : avec certificat de bonne conduite accordé). A ce mess… il y avait du beurre.